Souvenirs...

Je réalise qu'en fait le goût de la randonnée en solo est ancré en moi depuis bien longtemps.

Je devais avoir 17 ou 18 ans lors de la première, une traversée de la Vanoise par le GR55, du chalet de Rosuel à Nancroix au refuge de l'Orgère au-dessus de Modane.

Nous étions en vacances en famille en Haute-Savoie, et mes parents, sans-doute inquiets de me voir partir seul, m'avaient conduit en voiture jusqu'au départ de la randonnée et accompagné pendant une partie de la première montée, puis donné rendez-vous à l'Orgère 3 jours plus tard - mais finalement j'avais eu la surprise de les voir arriver à ma rencontre au col de Chavière (où ils auraient très bien pu me rater, ce n'était pas encore l'époque des téléphones mobiles...)

J'en ai gardé des souvenirs mitigés, à commencer par celui de la descente depuis le col du Palet sur cette horreur visuelle qu'est Tignes, surtout en été. De plus, comme il était assez tard, j'avais été obligé d'y rester pour la nuit, au chalet du CAF (je ne sais pas s'il existe encore) dans une ambiance assez sinistre. Souvenir inconfortable aussi de mes premières nuits dans des refuges bondés : à l'époque on n'était pas obligé de réserver, et même dans des refuges d'accès facile comme au col de la Vanoise ou à Péclet-Polset, il n'était pas question de refuser un bout de matelas à un randonneur, quitte à se serrer à 30 dans un dortoir prévu pour 20 - au point que, à Péclet-Polset, j'avais fini la nuit dehors dans mon duvet (j'ai récidivé par la suite, en Vanoise également - avant de décider définitivement que j'éviterais d'en fréquenter les refuges en haute-saison)...

En revanche, je me souviens avec plaisir des paysages traversés (certains que je n'ai pas revus depuis, comme le vallon de la Leisse ou le col de Chavière, d'autres où je suis retourné plusieurs fois, comme le col de la Vanoise et ses lacs) et de la joie que m'a donnée le fait de les découvrir seul, même si cette solitude était parfois toute relative vu la fréquentation des sentiers.

Je suis retourné à de nombreuses reprise dans la région, pour des randos à la journée, en famille ou avec des amis, et pour une boucle de 3 jours en petit groupe, autour des glaciers de la Vanoise à partir de Pralognan, mais aucune de ces expériences ne m'a laissé des souvenirs aussi marquants que cette traversée en solo.

Quelques années plus tard, je suis à nouveau parti seul quelques jours, pour traverser une partie du Mercantour par le GR52, de St-Dalmas en Valdeblore au col de Turini. Là encore cela m'a valu quelques moments d'émerveillement, dans des paysages que je ne soupçonnais pas aussi alpins à proximité de la Méditerranée. Mais aussi une jolie rencontre, que je n'aurais certainement pas faite si j'avais randonné en groupe. Et cela malgré (ou peut-être en parti grâce à) une traversée de la vallée des Merveilles dans les nuages et sous une pluie battante... 

Et comme encore à cette époque je n'aurais pas eu l'idée de réserver les nuits en refuge, j'avançais au gré de mon humeur - au point qu'en regardant la carte je m'aperçois que j'avais cumulé plus de 2000 m de dénivelé positif le premier jour, ce dont je serais bien incapable aujourd'hui.

Finalement je pense que, si l'idée de partir seul ne m'avait pas effleuré depuis tout ce temps, c'est d'abord parce que, vers le milieu des années 80, ma pratique de la montagne avait évolué, s'orientant vers la haute-montagne et le ski de randonnée, activités qu'il n'était pas question de pratiquer en solo pour des raisons de sécurité. Et plus tard parce qu'il ne me semblait pas envisageable de partir en vacances sans ma compagne et mes enfants ; ce qui fait que, depuis le début des années 90, je n'avais randonné qu'à la (petite) journée, en couple où en famille.

Mais, maintenant que ma vie de semi-retraité m'en laisse le temps, je m'aperçois que ce n'est pas que par obligation que j'ai choisi de parfois partir seul pour des périples d'une semaine et plus, sans avoir à me soumettre aux contraintes de la vie (et de la marche) en groupe.

PS : c'est la découverte par hasard ce très beau blog, et en particulier son article sur la randonnée en solo, qui m'a fait réfléchir, et motivé à rédiger ce qui précède. Merci à son auteure.
Je ne vais pas paraphraser ce qu'elle écrit, bien mieux que je n'aurais su le faire et avec plus de recul, mais j'y souscris entièrement.